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Posté le: Ven 01 Aoû 2003, 3:08 pm Sujet du message: Réponse au Canard Enchaîné - Xavier Beauchamps |
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Dans le numéro du 23 juillet 2003, l'hebdomadaire satirique a consacré une rubrique aux "médecins qui se soignent".
De nombreuses voix se sont élevées contre ce traitement de l'information. Parmi celles-là, celle de Xavier Beauchamps, porte-parole du groupe Cochise (Collectif des chirurgiens de secteur1).
Citation: |
Réponse au journal satirique paraissant le mercredi
1° année N°1 28 juillet 2003 - Diffusion libre pour le monde entier.
DEPASSEMENTS : LA CNAM S’PETE LES PLOMBS
Les syndicats de salariés dont le canard enchaîné du 23 juillet rapporte les propos dénonçant ces médecins spécialistes tricheurs, ont de très paradoxales indignations : Ils sont les premiers responsables de la situation qu’ils dénoncent.
Il est étrange de voir le syndicat qui dirige la CNAM appliquer aux médecins, au prétexte qu’il s’agit de libéraux, les recettes du capitalisme le plus sauvage.
La retraite à soixante ans ? Les 35 heures ? Pourquoi les auraient-ils, ce sont des libéraux.
Le travail la nuit et le week-end, pendant toute une carrière, et sans récupération pour les spécialités à garde ? Normal, ce sont des libéraux.
Le blocage indéfini des recettes ? Normal aussi… le libéralisme doit être encadré.
De quand date la dernière augmentation du Cs la lettre-clé des médecins spécialistes ? De 1995 il y a huit ans. Pour le Kcc, la lettre-clé des chirurgiens, il y a 13 ans. Blocage réservé à ceux du secteur 1, tenus d’appliquer ces tarifs, car ceux du secteur 2, comme le souligne l'article, peuvent les dépasser.
Un seul exemple : Quel était le tarif Sécu de la réparation d'une rupture de tendon d'Achille il y a treize ans? 540 F incluant le plâtre et trois semaines de soins postopératoires. Y a-t-il eu un changement en 2003 ? Oui, un seul: Avec le passage à l'euro, c'est maintenant 83,6 EUR. Durant cette période le prix de l’assurance professionnelle pour ce type d'activité a été multiplié par 5.
Et nos syndicalistes s'indignent de la médecine à deux vitesses ?
Mais avec leur blocage ils se sont ingéniés à la créer de toutes pièces : la médecine où l'on peut être bien soigné (dans le secteur 2) et celle où on est bien remboursé (dans le secteur 1).
Et tout en s'offusquant du secteur 2, c’est le secteur 1 qu’ils matraquent. « S’ils sont à notre merci et n’ont pas d’autres choix que de travailler à nos conditions, est-il bien utile de les augmenter ? S’ils ont trop de charges, ils n’ont qu’à travailler plus ! ». On dirait du Zola… Ce pourrait être aussi du Jean-Marie Spaeth, président de la CNAM... et syndicaliste CFDT. Ses ancêtres en syndicalisme doivent se retourner dans leur tombe. Si M. Spaeth était le patron de l’entreprise «médecine libérale», ce qu'il n'est pas, il y a bien longtemps que les prud'hommes l’auraient condamné.
Le secteur 1 a été un choix pour les médecins installés avant 1989 et l’a été pour tous les chirurgiens. Le choix de réclamer des honoraires raisonnables qui devaient être réévalués régulièrement. Raisonnables…il y a longtemps que ces honoraires ne le sont plus, la CNAM n'ayant jamais tenu ses promesses. « Je ne tiens pas mes engagements, mais je vous contraindrais à tenir les vôtres » dit la CNAM en entendant faire appliquer les clauses d'une convention qu’elle viole allègrement, ignorant superbement que si la médecine évolue, ses coûts évoluent aussi. Les patients, eux, comprennent fort bien une chose simple que la surdité de la CNAM ne lui permet pas d’entendre : On ne peut pas bien soigner aux normes de 2003 avec les tarifs de 1990. Alors oui, bien sûr que les médecins secteur 1 dépassent !
«Scandale, ils trichent !» hurlent nos syndicalistes. Parler de tricherie supposerait une règle du jeu appliquée par tout le monde, pas seulement par les médecins. Cette règle n'existe plus, la CNAM l’a déchirée. Elle prétend défendre les assurés sociaux ? Les médecins défendent les patients, en ayant le sentiment qu’entre un patient et un assuré social, il est parfois difficile de faire la différence. Regroupés en coordinations, ils s’efforcent de faire passer l’idée que l’important est d’abord de faire une médecine de qualité, et qu’il est absurde de n’en fixer le prix qu’en fonction de la capacité de remboursement des caisses.
Sourde la CNAM, mais aussi aveugle : dans ces spécialités à risque où les tarifs d’assurance professionnelle se sont envolés, et même si les jeunes praticiens peuvent choisir le secteur 2 (s'ils sont anciens assistants des hôpitaux), il n'y a pas de relève. La bonne question n’est plus : «comment cet acte va-t-il être remboursé ?» Mais «Cet acte, demain, qui va pouvoir le pratiquer ?». Il faut quitter Paris pour mieux s’en rendre compte. Dans cette désaffection, il serait faux de ne voir qu'un problème de tarifs. Mais sur le tarif justement la CNAM peut agir. Et comment agit-elle ? En faisant ce qu'elle peut pour éc¦urer les secteurs 1, et les inciter à cesser plus vite leur activité, excellente façon d’aggraver la pénurie.
Cette pénurie explique certaines choses. Dans son excès de zèle, la CNAM a négligé une règle de base du capitalisme sauvage auquel elle s’essaye: avoir toujours un excédent de main-d’¦uvre pour dicter ses conditions. Dans bon nombre de spécialités c’est trop tard. Que vaut une menace de déconventionnement lorsque les délais de rendez-vous sont à plusieurs mois ? C'est cela que commencent à comprendre les médecins, et c'est cela qui explique les consignes de la CNAM aux agents de la Sécu. Il ne s'agit pas là d'indulgence, il s'agit de la modification d'un rapport de force. Pas d'inquiétude: Les médecins sont là pour soigner et continueront de le faire, même si leur raréfaction dégrade leurs conditions d'exercice et augmente la durée du travail. Mais les caisses, qui ne sont là que pour rembourser les soins, ne pourront plus leur imposer de diktats, comme l’irrévocabilité du choix du secteur 1, instaurant une séparation artificielle et parfaitement injustifiable entre des médecins de même formation. Une caisse vient d’ailleurs de perdre à ce sujet au tribunal des affaires de sécurité sociale, le TASS, devant lequel l'association APOS 2 l'avait assigné.
Oui il y a un scandale de la médecine spécialisée de secteur 1. Ce secteur a été assassiné. Mais que les hurlements de la CNAM n'égarent pas le canard : ce ne serait pas la première fois que l'assassin hurle le plus fort.
Xavier BEAUCHAMPS
Chirurgien-tricheur
Secteur enchaîné Coordination 24.
Porte-parole du groupe COCHISE (COllectif des CHIrurgiens de SEcteur1) |
http://www.conatspe.com/documents/specialites/cochise/LettreCanard280703.htm
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